VILLEGLÉ Jacques - L'Hypermnésie créatrice
Sérigraphie, 2005, H. 76 x L. 56 cm
Editeur : Jean Villevieille
N° 39/80
Collection : GAC
Numéro d'inventaire : GV.2015.102
Issue du fonds Jean Villevieille, éditeur sérigraphe, Saint-Étienne.
Jacques Villeglé est né en 1926 à Quimper. Il étudie l'architecture à l'école des Beaux-Arts de Nantes, puis rejoint Raymond Hains à Paris, où va débuter la grande aventure des affiches décollées et lacérées. Passionné depuis toujours par la typographie, c'est en février 1969 qu'il entame la création d'un alphabet sociopolitique à partir duquel il réalise des sculptures parfois monumentales. « Une idée d'alphabet qui m'était venue dans le métro, station République, [...] lors de la venue à Paris de Richard Nixon [...]. Sur le mur d'un couloir j'avais lu les trois flèches de l'ancien parti socialiste, la croix de Lorraine gaullienne, la croix gammée nazie, la croix celtique [...]. Cet assemblage de sigles surchargeait le nom du président américain rendant visite au général de Gaulle. » Dix ans de création furent nécessaires pour cet alphabet qui développe des signes politiques, religieux, idéologiques, monétaires, zodiacaux, maçonniques, pacifistes, militants, contestataires, guerriers, etc. x qui sont ajoutés ou substitués à chaque lettre (hormis le J). Ces signes sont puisés dans la culture populaire et varient constamment en parallèle à l'évolution du monde, de la société. L'alphabet sociopolitique agit ainsi comme une confrontation brute de l'histoire.
L'Hypermnésie créatrice permet d'aborder la démarche de Jacques Villeglé, tant sur le plan de l'expérience vécue que sur la méthode de création. Il utilise les graphismes sociopolitiques de son alphabet sous la forme d'une liste de formules : « Le fantastique social / La comédie urbaine / La rue chaude / Le terrain vague / L'illusoire liberté / Parataxe éperdue / Télescopage foudroyant ». Il use de la « parataxe éperdue », c'est-à-dire la juxtaposition de phrases, sans mot de liaison. Villeglé nous confronte à une forte épreuve de la vision avec l'accumulation de ces signes, bien plus que de la lecture : pour exemple, la croix gammée jouxte l'étoile de David. Il importe ainsi dans le champ de l'art l'impact de certains signes en provenance de la réalité. « Jamais je n'ai été gêné d'utiliser des signes qui sont haïs et que je pouvais haïr, car d'une part, je peux les voir sur le plan abstrait et, d'autre part, je les utilise en tant qu'historien. » Des morceaux de papier arraché parsemés dans la composition rappellent les affiches lacérées. À travers cette sérigraphie, Jacques Villeglé précise les ressorts politiques et esthétiques de sa démarche. Chacun est libre d'effectuer sa propre lecture des graphismes sociopolitiques en fonction de la valeur et du pouvoir qu'il confère à ces signes, selon sa culture, sa réaction instinctive, sa curiosité ou son questionnement face à cette oeuvre.
Bibliographie
Jacques Villeglé, Revue Lisières, no 28, août 2015.
Carine Roma-Clément, Jacques Villeglé, sculptures, Saint-Julien Molin-Molette, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2012.
Sophie Duplaix (sous la dir. de), Jacques Villeglé. La comédie humaine, cat. exp. Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2008.