Ella & Pitr - Épine dans le pied

Respectivement nés en 1984 et 1981, Ella & Pitr se sont rencontrés alors qu’ils collaient ou graffaient chacun de leur côté sur les murs de Saint-Étienne en 2007 et ne se sont plus jamais quittés. Couple à la vie comme à l’atelier, ils donnent à leurs dessins le charme d’une complicité créatrice et transforment les murs et les toiles en portes ouvertes sur les territoires de leur imaginaire. C’est en 2013 qu’Ella & Pitr commencent à peindre des personnages géants qu’ils appellent « Colosses endormis ». Ils en ont peint plus d’une soixante de Saint-Étienne à Paris, de Montréal à Bombay, sur toutes les surfaces (bétons, bitume, neige, sable), à l’horizontale comme à la verticale, dans des positions des plus recroquevillées aux plus avachies, les ajustant aux cadres (toit d’immeuble, place ou barrage). De l’idée première de rendre hommage aux sans-abri, les colosses deviennent attachants prenant le visage de nos grands-mères comme dans la plus grande fresque d’Europe, peinte sur un toit du bâtiment 3 de Paris Expo Porte de Versailles, en 2019. Cette œuvre de 24 000 mètres carrés représente une vieille femme à l’air pensif, qui semble jouer avec les voitures du périphérique, un sac plastique volant au-dessus de sa tête. Ces œuvres sont vouées à s’effacer : chaque disparition est documentée sous forme de films ou de photographies. Cela est une étape importante de l’œuvre.Alors que les géants endormis ont fait la renommée d’Ella & Pitr, coup de tonnerre, dans leur dernière vidéo, le tandem annonce la mise à mort des géants par coup de tractopelles et d’éboulements.

Avec cette lithographie, Ella & Pitr reviennent dans l’antre de leur atelier peindre du bout du pinceau cette minuscule jeune femme sur ce rocher en lévitation. Le trait est proche de celui de Sempé. Le personnage est occupé à ôter une épine de son pied.
On retrouve dans cette œuvre le jeu d’échelles et de perspectives qui est un fil conducteur dans le travail d’Ella & Pitr.
Cette immense roche crée un décalage avec cette épine si petite, mais responsable d’une douleur lancinante. Dans ce sujet, faussement naïf, se retrouve quelque chose du Petit Prince de Saint-Exupéry.